RALLUMEZ LES LUMIeRES ! 

Isabelle Gattiker, Directrice Generale et des programmes 


Alors que tout un pan de la planète s’enfonce dans les ténèbres, avalé par la peur, la violence et la haine, il est parfois difficile de s’accrocher à quelque chose, dans le vertige effrayant de celui qui regarde le bord du gouffre. Beaucoup s’indignent, pour leur montrer, pour se montrer, parce que c’est vital. Mais au fond, en grattant le vernis, ce sentiment lancinant... A quoi bon. C’est trop tard. 


Eh bien non. Il est facile de se hisser un peu plus haut que la bêtise et que la haine. Il est plus difficile de toucher le cœur, de comprendre les causes réelles de l’horreur et de trouver des solutions. 


Dans ces moments-là, il faut autant d’actes que de mots. Il faut garder l’élan : l’élan vers l’avant, l’élan du rire, l’élan de l’impertinence, et pour cela, nous avons tous un rôle à jouer. Ne laissons pas les droits humains uniquement aux enceintes onusiennes, aux conférences internationales et aux partis politiques. Leur travail est fondamental, mais il est temps de nous réapproprier ce qui nous a de fait toujours appartenu : le droit de questionner, de choisir, de proposer des solutions. 

Montrer. Montrer des films. Parce que raconter une histoire est un excellent point de départ pour retrouver des références et des valeurs communes. Chaque œuvre pensée par un.e artiste comme un monde en soi : un monde qui est aussi notre monde comme on ne l’a jamais vu. Des films intimes et universels, qui nous bousculent dans nos certitudes et qui nous renversent.

Débattre. Après avoir été renversés, vient le temps de la parole, de la dispute parfois, de l’écoute toujours. Des débats de tous horizons pour confronter des idées, critiquer, déconstruire. Car il faut bien déconstruire pour pouvoir comprendre et rebâtir. 

Réunir, encore. Réunir des individus venus pour des myriades de raisons : pour un film, un thème, un nom, un hasard. Réunir des personnes de toutes origines dans une salle, ensemble, c’est une chose rare. Un lieu pour se découvrir et redécouvrir le sens du mot partager, bien plus complexe et fascinant que des clics sur des réseaux sociaux. 

Collaborer, toujours. On gèle l’argent pour la culture et pour l’éducation ? Il faut investir autrement : investir des lieux, mais aussi des idées. S’inspirer les uns des autres, s’inspirer les uns les autres, réunir les talents, les projets et les forces à Genève, le point de départ idéal pour cette forme d’aventure. 

Tout cela a du sens : vers l’avant. Vers la lumière. Pendant dix jours, l’obscurité ne durera que quelques secondes, ces quelques secondes suspendues avant le début de la séance. Le rideau se lève, place à la lumière du cinéma, place aux lumières de la pensée. Post tenebras lux ? Absolument. 

Bon Festival à tous.